La Syrie traverse une période critique de son histoire, marquée par le renversement de Bachar el-Assad après plus d’une décennie de guerre civile. Cette chute, fruit d’un enchevêtrement d’acteurs locaux et internationaux, a laissé place à une nouvelle figure controversée : Khaled al-Nouri, ancien cadre de Daech, qui affirme avoir renié son passé et se présente comme le garant d’un avenir stable pour le pays. Cette transition inattendue soulève de nombreuses interrogations : la Syrie est-elle sur le chemin d’une réconciliation durable, ou court-elle le risque de devenir une nouvelle Libye ou un nouvel Afghanistan ?
Depuis 2011, la Syrie est le théâtre d’un conflit complexe, déclenché par des manifestations contre le régime autoritaire de Bachar el-Assad. La militarisation du soulèvement, combinée à l’émergence de groupes jihadistes tels que Daech, a plongé le pays dans un chaos sans précédent. La victoire militaire d’al-Nouri, s’appuyant sur des alliances fluctuantes et un discours de rédemption, a mis fin au règne de Bachar el-Assad, mais non aux divisions profondes qui fracturent la société syrienne.
L’ascension de Khaled al-Nouri redessine les cartes de la géopolitique syrienne. Si son discours prône la réconciliation, son passé suscite méfiance et critiques. Cette situation rappelle les dynamiques post-Kadhafi en Libye, où l’effondrement du régime a laissé place à des luttes de pouvoir soutenues par des acteurs étrangers aux intérêts divergents. En Syrie, ces intérêts sont tout aussi complexes : la Russie, après avoir soutenu Bachar el-Assad, pourrait chercher à maintenir une influence stratégique dans le pays, mais son alliance avec al-Nouri reste incertaine. L’Iran, qui a investi lourdement dans la préservation du régime Assad, risque de perdre une partie de son poids face à ce nouvel ordre. La Turquie surveille de près les ambitions kurdes, et toute recomposition politique devra prendre en compte ses préoccupations sécuritaires. Les États-Unis et l’Occident, focalisés sur la lutte contre le terrorisme, hésitent à soutenir un homme dont les liens passés avec Daech sont encore frais dans les mémoires.
La prise de pouvoir de Khaled al-Nouri pourrait mener la Syrie vers une instabilité chronique si les conditions suivantes ne sont pas remplies : un véritable consensus politique, sans inclusion des différents acteurs syriens, le risque d’un retour à la violence est élevé. Un encadrement international clair, car l’absence d’une stratégie commune entre les puissances étrangères risque d’alimenter les tensions, comme cela a été observé en Libye. Une réhabilitation crédible, puisque le passé de Khaled al-Nouri reste un obstacle majeur à sa légitimité. Toute tentative de stabilisation devra s’accompagner d’une clarification sur son rôle dans le conflit syrien. La comparaison avec l’Afghanistan est également pertinente. Comme les talibans, al-Nouri pourrait chercher à réintégrer des anciens jihadistes dans son administration, ce qui soulèverait des préoccupations sécuritaires à l’échelle mondiale.
La Syrie, à ce carrefour historique, illustre une fois de plus la complexité des transitions post-conflit. Khaled al-Nouri, en dépit de son discours de rédemption, incarne une figure controversée qui polarise tant au niveau national qu’international. Si les puissances mondiales et régionales ne parviennent pas à aligner leurs efforts pour stabiliser le pays, la Syrie risque de sombrer dans un cycle de violence et de fragmentation, rappelant tragiquement la trajectoire de la Libye ou de l’Afghanistan. Pourtant, une opportunité existe : celle d’un dialogue inclusif, d’une reconstruction institutionnelle sérieuse, et d’un encadrement international cohérent. Seule une telle approche pourrait transformer cette période de transition en un véritable tournant pour la Syrie et éviter qu’elle ne devienne un nouvel exemple des échecs des interventions internationales.